"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

jeudi 1 novembre 2012

Les Rroms dans son jardin

Cette vidéo a d'abord été mise en ligne par Nord éclair, le 27 octobre 2012, sous le titre :

Video. Hellemmes : dérapage lors de la manifestation contre l'arrivée des Roms.

(Comme si cette innommable « manifestation contre l'arrivée des Roms » n'avait pas déjà été, en elle-même, un « dérapage » - conservons cet euphémisme journalistique qui a désormais statut de cliché.)

Jusqu'à présent aucun(e) des participant(e)s ne semble avoir songé à faire valoir le droit reconnu de contrôler la diffusion de son image, aussi est-elle encore en ligne. Peut-être, dans certains foyers hellemmois, tire-t-on quelque fierté de l'image que l'on y donne de soi, de manière si contrôlée...

Estimant sans doute que ces images étaient assez parlantes pour son lectorat, la rédaction de Nord éclair ne les avait accompagnées que de maigres explications, en promettant plus de détails pour le lendemain.

Comme ces détails étaient réservés aux abonnés, il m'a fallu me contenter du résumé qu'en a fait Le Figaro :

Des habitants de la ville d'Hellemmes, dans la banlieue de Lille, ont manifesté samedi contre l'implantation prochaine d'un village d'insertion pour cinq familles roms. Farouchement opposés au projet, et rassemblés sous le slogan "Cysoing [ville où les habitants ont réussi à stopper un projet similaire] y est arrivé, Hellemmes y arrivera", les opposants ont défilé devant le chantier du village, avant de rallier la mairie (...).

Le groupe de 200 personnes a fini par trouver le maire, Frédéric Marchand, dans une salle communale. L'élu a été violemment pris à partie par la foule, qui lui a demandé pêle-mêle d'accueillir les Roms dans son jardin et d'aider "les vrais Hellemmois". Le dialogue étant impossible, le maire a décidé de quitter les lieux, mais il en a été empêché par la foule, dont quelques leaders appelaient à le "bloquer".(...)

Mais c'est dans un billet du blog de Marie Barbier, Laissez-passer, qu'on pouvait en apprendre davantage sur l'exaspération anticipée des futurs voisins. On y découvre, et cela précise notablement les contours de l'image, que les habitant(e)s d'Hellemmes « étaient entre 150 et 200 à manifester samedi matin dans les rues », « à l’appel de la conseillère municipale UMP Caroline Boisard-Vannier », et que « d’après plusieurs témoins, des représentants du Front national ont rapidement pris la tête du cortège »...

Marie Barbier donne également des informations sur les heureux bénéficiaires de ce déferlement d'hostilité authentiquement hellemmoise.

Elle nous apprend que les cinq familles qui ont accepté de se sédentariser à Hellemmes font partie de celles qui ont été expulsées au mois d'août des premiers campements « démantelés » par les services expéditifs du ministère de l'Intérieur, à Hellemmes et à Villeneuve-d'Ascq.

On se souvient que ces évacuations ont initié une campagne d'expulsions d'une ampleur dont les précédents locataires du pouvoir n'avaient pas osé rêver. Saluée par la sophistique nauséabonde de l'éditocratie de gauche et, un peu plus tard, par l'éloquence embarrassée de monsieur Serge Dassault, cette offensive xénophobe a servi de base aux records de popularité de monsieur Manuel Valls, premier flic de France et fier de l'être. Bien sûr, l'humanisme « socialiste » a tenu à sauver son image en apportant quelques retouches formelles : prétendues garanties juridiques et promesses de mesures d’accompagnement...

Mais concrètement, ces cinq familles, depuis leur éviction du campement, sont logées sous des tentes, à Lille.

(Une femme est sur le point d'accoucher, mais qui va s'en soucier ?)

De ce qui a motivé leur choix d'accepter la très controversée « solution » du village d'insertion, on ne saura probablement jamais rien - qui va les interroger là-dessus ? -, mais ce qu'on leur a imposé pour pouvoir s'installer auprès de voisins qui, en partie, les rejettent, on le devine à travers les propos de monsieur Roger Maly, deuxième adjoint PCF au maire d’Hellemmes, rapportés par Marie Barbier. Pour lui, « les gens n’ont pas compris : ils pensent avoir un bidonville à côté de chez eux », alors que, dit-il :

Ce n’est pas du tout le cas, ces gens parlent français, ils signent une charte de bonne conduite, les enfants sont scolarisés.

On aimerait connaître les termes exacts de cette « charte de bonne conduite » que « ces gens » ont accepté de signer et qui permet à monsieur Maly de laisser entendre à ses concitoyens hellemmois que ce sont de « bons » Rroms, prêts à s'insérer dans l'espace qui subsiste entre la haine des uns et le paternalisme des autres...

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